La semaine dernière, Back Market a conclu un nouveau tour de table aussi crémeux qu’une bouteille de Baileys. On aurait adoré vous partager la nouvelle tout en légèreté – comme pour nos précédentes levées. Mais cette augmentation de capital a pour nous un goût doux-amer, au moment où le gouvernement français menace l’activité de nos reconditionneurs partenaires historiques.
On reproche souvent aux entreprises de notre glorieuse startup nation d’être hors-sol, comme déconnectées de “la vie des vrais gens”.
En tant que fondateurs de l’une de ces scale-up-en-phase-d’hyper croissance-c’est-proprement-incroyable-ce-que-vous-êtes-en-train-de-construire (pour paraphraser BFM-business) on s’interroge évidemment sur cette possible déconnexion : comment amener plus de diversité et de parité aux postes clés de Back Market ? Comment mieux répartir la valeur créée dans notre entreprise ? Comment internationaliser notre business tout en consolidant des filières locales, etc. ?
Les termes de ces questions, de même que les réponses à y apporter, sont souvent plus complexes qu’il n’y paraît. Mais il y a des moments où il n’y a franchement pas de débat. Des moments où on réalise que oui, effectivement, les déclamations fanfaronnes des licornes made in France sont totalement en décalage avec la réalité du terrain.
L’annonce de notre nouvelle levée de fonds nous donne la désagréable impression d’en faire partie.
Car au moment où nous signons une augmentation de capital de 276 millions d’euros auprès de fonds extrêmement réputés (dont celui d’Al Gore, excuse us of the little) une menace sans précédent plane sur le modèle économique des reconditionneurs français – pour la plupart des partenaires historiques de Back Market. On va tenter d’en expliquer ici la teneur, sans trop vous assommer avec des termes juridiques.

Quand l’État français nous demande de choisir entre culture et écologie.
La menace en question a, autant le dire d’emblée, été une vraie bonne idée pendant près de 35 ans. Il s’agit de la redevance sur la copie privée, qui date de 1985. Celle-ci consiste à payer une contrepartie financière à un droit dont chacun bénéficie au quotidien ; celui de dupliquer librement des œuvres protégées, acquises légalement, pour un usage strictement personnel. En simple : pour chaque téléphone, ordinateur, disque dur, etc. vendu neuf, une fraction du prix vient financer les ayants-droit du monde de la culture.
Là où le bât blesse, c’est que le gouvernement français désire aujourd’hui appliquer cette redevance aux produits reconditionnés. Ce qui constitue une double injustice. Pour les consommateurs d’abord – qui verront leur pouvoir d’achat grignoté par une nouvelle taxe, qui sera d’ailleurs parfois payée deux fois (lors de l’achat du produit neuf, puis à nouveau une fois ce produit vendu reconditionné). Pour les reconditionneurs ensuite – car cette redevance (14€ par appareil reconditionné en moyenne) va bien évidemment rogner leurs marges et amputer leur compétitivité.
Toute l’ironie de l’histoire, c’est que le gouvernement tente de glisser cette disposition particulièrement dangereuse pour les acteurs du reconditionné dans un paquet de loi visant précisément à réduire l’impact du numérique sur l’environnement.
De notre côté, on a tenté par (à peu près) tous les moyens d’expliquer au législateur qu’il était sur le point de mettre en péril des centaines d’emplois partout dans l’hexagone et de couper les ailes à tout un pan de l’économie circulaire remade in France. Mais il semblerait qu’on soit encore un poil moins costaud en lobbying que Monsanto.
La fenêtre de tir pour empêcher le vote de cette loi se réduisant de jour en jour, il nous est difficile de sabrer le champagne pour célébrer notre nouvelle levée de fonds. On peut certes se réjouir de ce qu’elle préfigure pour Back Market, tant sur le plan du développement international que sur celui des services proposés aux marchands partenaires et à nos clients. Mais la promesse de ces succès à venir nous rappelle aussi à nos premières réussites – et aux entreprises auxquelles on les doit : l’idée même de notre modèle, unique au monde, est précisément née de la découverte de ces reconditionneurs que l’État met aujourd’hui en péril.
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* Offre absolument non contractuelle
Et promis, si le gouvernement retire en dernière minute cette sombre disposition, on vous pond un super article enthousiaste, plein d’anglicismes et de tables de ping-pong à la gloire de notre scale-up et de son futur tout de lumière vêtu. Avec une belle photo de licorne en supplément.
Fichtre,
Thibaud, Quentin et Vianney
Co-fondateurs de Back Market
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